Des hôpitaux durables et responsables, une nécessité pour l’avenir !

Bien plus que des lieux de soins, les hôpitaux sont des acteurs majeurs de la société. Soucieux de générer un impact positif, traduisant leurs missions et leurs valeurs, ils s’engagent en développant une démarche de développement durable, répondant aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques. À l’occasion de la semaine européenne du développement durable, le Centre Hospitalier universitaire Tivoli et le Centre Hospitalier universitaire Ambroise Paré poussent à la réflexion et dévoilent leurs réalisations en la matière.

Une planète en péril

Au mois d’août dernier, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié un nouveau rapport rassemblant les informations scientifiques les plus récentes concernant le changement climatique. Il donne un aperçu plutôt pessimiste de l’avenir de la planète. Pour preuve, les experts estiment que la hausse des températures mondiales risque d’atteindre le seuil de +1,5 degré aux environs de 2030, c’est-à-dire dix ans plus tôt qu’initialement prévu. Si leurs prédictions se réalisent, les conséquences pourraient être catastrophiques pour l’humanité. Ainsi, outre les catastrophes naturelles dévastatrices et l’apparition régulière de phénomènes météorologiques extrêmes aux quatre coins du globe, le réchauffement climatique altèrerait, encore un peu plus, la santé humaine.  

Le 6 septembre, 220 revues médicales ont publié un éditorial commun alertant des dangers du changement climatique sur la santé. Les rédacteurs en chef des revues scientifiques les plus renommées, telles que le Lancet, le British Medical Journal ou encore le National Medical Journal of India, ont interpellé les dirigeants mondiaux afin qu’ils prennent conscience de la situation et qu’ils agissent au plus vite : « La science est sans équivoque ; une augmentation mondiale de 1,5 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle et la perte continue de la biodiversité risquent d’avoir des conséquences catastrophiques pour la santé qui seront impossibles à inverser. ». Pour étayer leurs propos, ils pointent les effets néfastes déjà constatés « Les températures plus élevées ont entraîné une augmentation des cas de déshydratation et de problèmes rénaux, de tumeurs dermatologiques malignes, d’infections tropicales, de problèmes mentaux, de complications de grossesses, d’allergies et de mortalité, et de morbidité cardiovasculaire et pulmonaire. ». Il est vrai que bon nombre d’études ont démontré le lien de causalité entre l’environnement et la santé. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) affirme d’ailleurs que la pollution de l’air est, après le tabagisme, la deuxième cause de décès par maladies non transmissibles. Face à l’urgence climatique et sanitaire qui pèse sur notre planète, le secteur de la santé, qui est responsable de 4,4% des émissions de CO2 nettes mondiales, souhaite lui aussi contribuer à la réduction de son empreinte carbone, mais aussi à rendre le monde meilleur en adoptant une stratégie de développement durable adaptée et performante.

Soigner sans polluer

Le secteur de la santé est à l’origine d’un étrange paradoxe. En effet, censé soigner et protéger la santé de la population, les établissements de soins de santé participent activement au dérèglement climatique et de fait, à la dégradation de la santé humaine. « Les hôpitaux sont des entreprises très grises, il ne faut pas se le cacher. Nous sommes également des entreprises terriblement énergivores et en plus, nous produisons énormément de déchets. », avoue Xavier Beguin, Directeur Infrastructure et Logistique au CHU Tivoli. Les établissements hospitaliers sont donc confrontés à une équation complexe qui est celle de devoir poursuivre leurs activités de soins dans le respect des normes techniques et d’hygiène tout en minimisant leur impact sur l’environnement. « À l’instar des autres établissements hospitaliers, notre Direction Infrastructure doit assurer la fourniture 24H/24 des besoins primaires des patients (catering, nettoyage, électricité, chauffage, fluides médicaux). Au regard de cela, les problématiques de développement durable et d’énergie passent parfois au second plan. Cependant, nous devons nous en préoccuper, car nous avons un rôle exemplatif à tenir vis-à-vis de la population en tant qu’acteur de la santé. », explique le directeur technique.

Dès lors, pour répondre aux enjeux environnementaux qui concernent les institutions de soins, Xavier Beguin donne quelques pistes de réflexion auxquels le secteur devrait prêter une attention particulière. Il suggère notamment d’investir dans la jeunesse qualifiée. « Il faut installer des équipes exclusivement dédiées au développement durable dans les établissements. Ces personnes doivent avoir une responsabilité et une certaine légitimité, reconnue par tous. Il serait d’ailleurs intéressant d’engager des jeunes diplômés, tels des bio-ingénieurs, qui se feraient une joie de travailler sur la question du développement durable à l’hôpital. » Et il pointe les deux thématiques qui, selon lui, nécessitent bien plus d’efforts que tous les autres « Il va falloir se repenser dans deux axes : celui des déchets et celui de la mobilité. Concernant les déchets, pour autant que les législations le permettent, nous devons aller un pas plus loin dans notre politique de tri. Concernant la mobilité, il est indispensable de travailler sur divers pôles et de ne pas se concentrer uniquement sur la mobilité des travailleurs. Si nous devions faire le bilan carbone d’un établissement comme le nôtre, il démontrerait qu’une large part du CO2 produit par un établissement comme le CHU Tivoli provient des marchandises que nous achetons. Chaque livraison de chaque équipement qui rentre dans l’hôpital devrait être caractérisée d’une charge CO2. Avec l’avènement de la 5G, nous allons pouvoir accéder à un grand nombre de data et beaucoup mieux gérer les flux. Nous allons donc pouvoir assurer une meilleure traçabilité, notamment à l’aide de QR Code qui indiqueraient où, quand et comment cela a été produit et transporté. Je pense que l’Union européenne devrait imposer des réglementations en matière de transparence et de normes, afin que chaque bien dispose d’une charge CO2, nos acheteurs et les utilisateurs des biens pourraient disposer des données des charges CO2 des produits qu’ils consomment. »

 S’engager aujourd’hui pour demain

Pour assurer la prospérité des humains et de la planète, se soucier du seul aspect environnemental ne suffit pas. Il doit, en effet, être mis en corrélation avec deux autres axes essentiels que sont le social et l’économique. Ensemble, ces trois éléments constituent le socle de la « Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) », une thématique qui s’intègre, depuis peu, dans les plans stratégiques des établissements hospitaliers. « En 2019, nous avons souhaité élaborer notre nouveau plan stratégique de manière collaborative. Pour y parvenir, nous avons mis en place plusieurs actions, dont un grand sondage qui a été diffusé auprès de nos différentes parties prenantes internes et externes. Nous leur avons notamment demandé ce qui était important pour eux et la forme que devrait prendre l’hôpital de demain. Nous avons reçu plus de 1100 réponses. Pour compléter cette démarche, nous avons aussi organisé un café collaboratif où une centaine de personnes était réunie. L’appel à assumer notre responsabilité environnementale, à assurer le bien-être de nos équipes ainsi qu’à rendre les soins les plus accessibles possibles sont les propositions qui ont été les plus citées et qui sont la traduction des piliers de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). », explique France Brohée, responsable communication du CHU Ambroise Paré.

Au travers d’un plan stratégique fort et résolument tourné vers l’avenir, l’établissement hospitalier montois ambitionne d’élaborer un écosystème vertueux lui permettant de poursuivre ses activités tout en restant en accord avec ses valeurs et en s’alignant avec les enjeux du développement durable. « Nous nous sommes fixé des objectifs très clairs. Par exemple, pour la responsabilité environnementale nous avons mis en place des projets concernant le tri et la gestion des déchets. Nous avons, entre autres, fortement diminué le recours aux équipements à usage unique et favorisé le circuit court ainsi que les produits frais et de saison pour notre cuisine. De plus, nous avons également monté un collectif interne consacré à la préservation de la biodiversité sur nos sites. », détaille la porte-parole de l’établissement.

Depuis plusieurs années, le CHU Ambroise Paré applique une politique de recrutement et de gestion du personnel non discriminante vis-à-vis du sexe, de l’âge, de la religion et du handicap, répondant à l’axe social de sa démarche RSE. Grâce à ses pratiques RH exemplaires, l’hôpital s’est vu remettre le prix de « L’entreprise citoyenne » par CAP48, comme l’explique France Brohée. « Nous avons obtenu le prix emploi, car nous avons, non seulement, permis à de nombreux membres du personnel de maintenir leur emploi via une politique de reclassement, mais nous avons également recruté des personnes en situation de handicap. Nous avons par exemple engagé un informaticien qui souffre d’un important déficit visuel et pour qui nous avons aménagé un environnement de travail lui offrant des conditions de travail optimales. Par ailleurs, nous accordons aussi beaucoup d’importance au bien-être de nos collaborateurs et mettons beaucoup d’initiatives en œuvre en vue de favoriser leur épanouissement professionnel notamment par le biais d’une politique active en matière de prévention des risques psychosociaux. »

Les récits et les expériences de ces deux établissements de soins traduisent la volonté du secteur de la santé de participer à la construction du monde de demain. Un monde où les préoccupations environnementales et sociales tiendront une place toujours plus importante et où les initiatives remarquables assureront l’avenir des futures générations.

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