Au-delà de soigner, les hôpitaux ont également pour mission de faire avancer la médecine. Pour ce faire, certains d’entre eux conduisent des essais cliniques. Ces études tendent à mieux traiter certaines maladies et aident ainsi à améliorer la prise en charge des patients. Aujourd’hui, quasiment toutes les équipes de recherche travaillent sur le coronavirus et les hôpitaux belges participent bien évidemment à ce mouvement, mais ils n’en délaissent pas pour autant les autres pathologies.
Course contre la montre
La Belgique figure parmi les leaders européens en termes d’essais cliniques. Ces recherches scientifiques sont essentielles au développement de nouveaux vaccins et médicaments. Séquencés en plusieurs phases, les essais cliniques permettent d’évaluer le potentiel d’une molécule et détermine, entre autres, son efficacité, ses effets indésirables ou encore le mode de délivrance le plus optimal, par exemple.
À l’heure de la pandémie de COVID-19, les essais cliniques jouent un rôle primordial dans la recherche de vaccins et de remèdes efficaces pour lutter contre le virus. Notre royaume figure, d’ailleurs, parmi les pays les plus proactifs en matière de recherche concernant le SARS-CoV-2. Pour preuve, le Centre Hospitalier Universitaire de Liège (CHU Liège) souhaite contribuer à la découverte du vaccin et est l’un des premiers hôpitaux belges à lancer une étude clinique destinée à évaluer l’efficacité d’un potentiel vaccin contre le virus. C’est l’Unité de Pharmacologie Clinique, ATC Pharma, située au sein du CHU de Liège qui, à partir de ce mois-ci, mènera l’étude. Actuellement, le centre de recherche clinique affilié à l’établissement hospitalier liégeois est à la recherche de volontaires prêts à tester ce vaccin.
Comprendre et partager
Le CHU de Liège n’est cependant pas le seul établissement hospitalier à conduire des essais cliniques relatif à la COVID-19. En effet, l’Hôpital Erasme mène aussi de nombreuses recherches mais celles-ci se concentrent essentiellement sur la compréhension de la maladie ainsi que sur les méthodes de diagnostic précoces et fiables. Le Professeur Jean-Charles Preiser, Directeur de la Recherche Biomédicale à l’Hôpital Erasme, nous explique en quoi elles consistent exactement : « Suite à l’apparition de la pandémie, il y a eu un réel boost des études académiques. C’est vraiment quelque chose de jamais vu. Chez nous, une septantaine d’études académiques ont été soumises. Dans ces études nous retrouvons les études de registres internationaux où nous encodons des données concernant les patients, les études de diagnostic avec les moyens de diagnostic que nous voulons tester et les études physiopathologiques où nous analysons certains marqueurs de l’inflammation et certains types de tissus qui peuvent être modifiés par le virus. À côté de cela, nous avons aussi les études thérapeutiques avec des médicaments qui sont déjà commercialisés et qui, à la base, n’étaient pas forcément recommandés ou enregistrés pour l’indication COVID-19. ».
Face au SARS-CoV-2 et les nombreuses interrogations qui l’entourent, le partage de connaissances, d’expériences et de données scientifiques est, de ce fait, une arme puissante et les études internationales sont très importantes. Conscient des nombreux bénéfices que ce type d’études peut apporter, l’Hôpital Erasme y contribue, notamment en participant à l’essai clinique international « Discovery » qui a pour objectif de tester des traitements contre le coronavirus. « L’avantage de ce type d’études, c’est bien évidemment le côté collaboratif, qui permet de faire avancer les connaissances. De plus, cela permet également de détecter des essais importants et ce, quel que soit la manière dont on traite les patients puisque le type de traitements diffère d’un pays et d’un centre à l’autre. La validité externe de ce que l’on va trouver est beaucoup plus importante dans une étude multicentrique, surtout si elle est internationale. Enfin, cela améliore la visibilité du centre et montre la capacité de mener à bien des études, ce qui demande tout de même une grande rigueur. D’ailleurs il y a eu une forte mobilisation des étudiants en médecine et de plusieurs catégories de personnel moins sollicités pendant la période la plus intense pour remplir les registres de manière tout à fait volontaire et cela nous a permis d’être à jour dans l’encodage de données. Nous n’aurions jamais pu obtenir ce résultat sans eux. » détaille le Professeur Preiser.
Avant la pandémie, l’Hôpital Erasme était déjà très actif en matière d’essais cliniques. En effet, comme le relate le Professeur Preiser, de nombreux services menaient des études diverses et variées : « À l’Hôpital Erasme nous avons des gros services tels que celui de la gastroentérologie, des soins intensifs, des maladies infectieuses ou encore de la cardiologie, qui sont très actifs dans différents domaines de recherche. Il y a à peu près 400 à 450 projets d’études par an. Dans le futur, il est très probable que le service des maladies infectieuses et celui des soins intensifs augmentent leurs activités suite aux recherches menées concernant la COVID-19. »
Et les autres maladies ?
La pandémie de COVID-19 a incontestablement augmenté les activités en matière d’essais cliniques. Cependant, elles sont quasiment toutes concentrées sur la maladie provoquée par le coronavirus et donc les études concernant les autres pathologies, comme le cancer par exemple, semblent avoir subi un certain ralentissement. « Au niveau de la recherche clinique en oncologie, il y a eu une baisse importante du nombre de patients inclus. C’est quelque chose de très problématique car le but des études cliniques est d’amener de nouveaux médicaments pour les patients. Tout retard dans les études cliniques provoque un retard dans les résultats et donc un retard dans l’accès à ces nouveaux médicaments. » explique le Docteur Philippe Aftimos, Responsable des études cliniques à l’Institut Bordet.
Etant donné l’enjeu crucial que représentent les études cliniques pour le domaine de l’oncologie, l’Institut Bordet a tenu à maintenir son activité et a ainsi fait preuve de proactivité et d’adaptabilité pour mener ses missions à bien. « Avec le confinement, il fallait éviter que les patients ne se déplacent, mais normalement, pour les études cliniques, tout doit se faire sur site. Là, il y a eu des exceptions pour permettre que les examens cliniques se fassent près du domicile des patients, dans un hôpital ou un laboratoire privé par exemple. De plus, nous avons également réalisé des consultations par téléphone, nous avons éliminé les visites que nous jugions non essentielles et nous envoyions les médicaments directement aux patients lorsqu’ils suivaient un traitement oral. Dans le cadre des essais cliniques, ce sont normalement des déviations au niveau du protocole parce que nous ne le suivons pas clairement. Mais ce sont des déviations qui sont acceptées dans le cadre de la pandémie. Nous avons dû documenter toutes ces déviations sans que le site ne soit pénalisé, surtout que nous avons suivi les recommandations des agences européennes et américaines. Enfin, à Bordet, nous avons pris la décision d’interrompre les nouveaux recrutements dans les études cliniques. Les patients qui étaient en cours continuaient mais durant un mois nous n’avons pas inclus de nouveaux patients pour ne pas charger l’hôpital et le staff car lorsqu’on fait des études cliniques, nous avons besoin d’imagerie, des laboratoires etc., et il fallait laisser les machines disponibles pour les patients atteints de la COVID-19. Par ailleurs, certains membres de notre équipe ont travaillé dans les unités COVID-19 ou au poste de tri à l’entrée de l’hôpital et donc nous avions moins de staff disponible pour les études. » rapporte le Docteur Aftimos.
Aujourd’hui, la cellule « Recherche » de l’établissement a repris le cours normal de ses activités mais le coronavirus circulant toujours sur notre territoire, la vigilance est encore de mise. « En termes de volume, nous sommes revenus à une activité normale mais à présent, tous les patients qui participent à une étude clinique doivent disposer d’un test COVID-19 négatif datant de maximum 48h. » conclut le Docteur Aftimos.