Du 23 novembre au 4 décembre 2020 se tenait la conférence « CleanMed Europe 2020 » dédiée aux soins de santé durables. Durant 10 jours, des responsables d’institutions de soins de santé, issus des quatre coins de l'Europe, se sont réunis pour échanger sur des problématiques liées à la durabilité des soins de santé européens. Le partage d’idées, d’innovations et d’expériences en la matière est incontestablement l’un des atouts de ce congrès international. Lauriane Tribel, attachée économique et environnement, ainsi que Michel Praet, Conseiller scientifique de santhea, ont assisté à cet événement. Ils nous disent ce qu’il faut en retenir.
Un secteur pharmaceutique plus vertueux
La crise sanitaire ne permettant pas de réunir le panel d’intervenants et les participants en un seul et même endroit, Heath Care Without Harm, l’organisme assurant le rôle d’organisateur, a décidé de digitaliser sa conférence annuelle, une première depuis sa création ! Pour le reste, rien ne change. Les sujets sont tous orientés sur l’impact non négligeable des soins de santé sur l’environnement. Il est en effet estimé que dans son ensemble, le secteur a une contribution correspondant à 5% de l’empreinte carbone des économies les plus développées de la planète. Le temps est clairement venu de mieux conscientiser ses acteurs sur la question, de proposer des solutions et d’en promouvoir l’utilisation.
Un des premiers aspects abordés lors du symposium était la chaîne d’approvisionnement des médicaments. Notons ainsi que les produits pharmaceutiques consommés en Europe, pour lesquels elle constitue le deuxième marché mondial, sont majoritairement fabriqués en Asie. Les compagnies pharmaceutiques européennes ont généralement délocalisé leurs productions vers des pays aux législations plus “tolérantes”. Résultat de cette plus grande flexibilité, la dispersion dans l’environnement de résidus pharmaceutiques, issus des processus de fabrication, est fréquente alors qu’il est scientifiquement démontré que même à des concentrations limitées, ces produits exercent des effets négatifs sur la biologie des animaux et des plantes. La contamination des eaux et des sources de nourritures affecte ensuite les populations locales, tandis que la pollution par des produits issus de la production d’antibiotiques peut conduire à l’apparition de bactéries résistantes. En se répandant ensuite via le commerce et les voyages, celles-ci contribuent à rendre les traitements antibiotiques de moins en moins efficaces et cela à un niveau global.
En outre, un manque de transparence troublant est constaté dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique, ce qui empêche d’exiger de la part des pollueurs responsables de rendre des comptes. Trop d’entre eux continuent à utiliser le secret commercial et les accords de confidentialité comme autant d’excuses pour ne pas agir.
Les intervenants du CleanMed 2020 ne se sont pas contentés de mettre cette problématiques en lumière, ils ont tenu à apporter quelques pistes de réflexion :
- Quel peut être le rôle des responsables des achats dans le “verdissement” de la chaîne d’approvisionnement des produits pharmaceutiques ?
- Alors que l’Europe envisage de rapatrier les productions pharmaceutiques stratégiques, comment cela peut-il se traduire en termes de développement durable ?
- Comment les régulateurs peuvent-ils garantir des normes de production environnementalement acceptables et comment les firmes pharmaceutiques peuvent-elles faire partie de la solution ?
Un hôpital plus durable
Les dispositifs médicaux utilisés dans le domaine des soins de santé ont également un effet néfaste sur l’environnement. Une partie du problème concerne notamment les dispositifs à usage unique, favorisant une accumulation de déchets, à terme insoutenable. Les orateurs se sont accordés pour dire que des stratégies doivent être mises en place et ce, afin de promouvoir le reconditionnement et le recyclage de tels dispositifs. Des initiatives allant en ce sens existent d’ores et déjà dans certains pays et ne demandent qu’à se développer ailleurs. Il faut cependant veiller à les rendre compatibles avec le nouveau règlement européen,2017/745 relatif aux dispositifs médicaux, ce qui n’est pas forcément aisé mais n’est en rien impossible, comme l’a souligné le représentant de l’AMDR (Association of Medical Device Reprocessors), une association qui fête ses 20 ans d’existence.
De nombreux dispositifs médicaux contiennent des perturbateurs endocriniens dont certains phtalates, connus pour avoir des effets néfastes sur la santé et l’environnement. Là aussi, leur remplacement n’est pas une tâche aisée mais il est tout de même envisageable, moyennant une approche volontaire et réfléchie. La substitution du di(2-éthylhexyl) phtalate, un perturbateur endocrinien entrant dans la composition des pochettes servant au stockage du sang, par du di(2-éthyhexyl) terephtalate nettement moins toxique est une proposition concrète et faisable qui a été présentée à l’occasion du symposium.
Un autre accent a été mis sur l’impact environnemental des activités hospitalières en elles-mêmes. Un exemple frappant est le calcul évaluant qu’une opération standard (incluant la consommation électrique, le matériel utilisé et les gaz anesthésiants) a une empreinte carbone équivalente à celle d’une voiture moyenne à moteur thermique parcourant 3600 kilomètres. Il a aussi été évalué que les salles d’opération consomment de 3 à 6 fois plus d’énergie que le reste d’un établissement hospitalier. Plusieurs pistes de solution existent afin d’améliorer cette situation. Il est d’abord possible de diminuer le besoin de recourir à la chirurgie en jouant sur l’éducation et la responsabilisation des patients (alimentation, sport, tabac, alcool, style de vie...). Ensuite, il existe également des solutions plus immédiates consistant à recycler, réparer et réutiliser du matériel beaucoup trop souvent considéré comme étant à usage unique. Il est par ailleurs intéressant de souligner que cette pratique ne vaut pas uniquement pour les kits utilisés lors d’une opération mais également pour les équipements de protection. Il existe d’ailleurs des vêtements recyclables ne devant pas être jetés après chaque opération. Ces alternatives sont souvent moins chères, plus hygiéniques et plus écologiques.
Enfin, les hôpitaux ont de nombreux moyens d’action mis à leur disposition pour diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre. De plus en plus d’établissements se sont engagés dans une telle démarche, notamment aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et dans les pays scandinaves. Des bonnes pratiques sont déjà connues et disponibles et elles ne demandent qu’à se multiplier.
La gestion de la crise COVID-19 ainsi que son aspect environnemental ont également été évoqués au cours de ce cycle de conférences. L’impact des déchets médicaux sur l’environnement et la résistance antimicrobienne ont été les sujets les plus prégnants. L’urgence et la demande élevée de matériel ont permis de mettre en place de nombreuses solutions efficaces et de trouver des alternatives durables et locales qui, nous l’espèrerons, perdureront au-delà de cette période.
Nous n’avons évoqué ici qu’une petite partie des nombreux sujets traités lors du CleanMed 2020. Gageons qu’ils seront nombreux à connaître de futurs et fructueux développements qui ne manqueront pas d’être exposés lors des prochaines éditions du symposium.